Bonjour Maladie #1

Interview de Régis Soavi sur le Katsugen Undo (ou Mouvement Régénérateur) et sur la notion de maladie dans le Seitai.

« Après avoir lu les livres d’Itsuo Tsuda (1914-1984), fascinée par ses arguments qui abordent librement tout aussi bien l’aïkido que les enfants et la façon dont ils naissent, les maladies ou les souvenirs de Ueshiba Morihei et Noguchi Haruchika, je voulais en savoir plus: la sensation de quelque chose qui m’échappait était restée en moi.

Ainsi ai-je commencé ma recherche pour savoir en quoi consiste effectivement ce mouvement régénérateur (katsugen undo) dont parle Tsuda, un mouvement spontané du corps qui semblerait pouvoir le rééquilibrer sans qu’il soit nécessaire de l’intoxiquer avec des médicaments; concept ancien mais encore révolutionnaire, surtout dans notre société. Je n’ai pas pu obtenir de réponses satisfaisantes à mes questions: ceux qui avaient pratiqué le mouvement régénérateur n’arrivaient pas à me décrire de quoi il s’agissait; la réponse était toujours: « Vous devez essayer vous-même pour comprendre; la première fois, ça va certainement vous bouleverser un peu ». Ainsi je me suis décidée. L’école qui, à Milan fait référence aux enseignements d’Itsuo Tsuda est la « Scuola della Respirazione ». On y pratique l’aikido et le mouvement régénérateur (en séances séparées). Mais pour pouvoir fréquenter les séances de mouvement il faut d’abord participer, pendant un week-end, à un stage conduit par Régis Soavi, qui a continué le travail de Tsuda en Europe.

Regis Soavi en conférence
Regis Soavi en conférence, Paris.


Soavi, en utilisant de grandes feuilles blanches suspendues sur un chevalet et dans un langage qui est un mélange de français et d’italien, commence les séances en abordant différents thèmes liés au mouvement régénérateur, à la santé, à la maladie ou bien à la vie quotidienne. Ensuite on commence la pratique avec trois exercices qui permettent au mouvement de se déclencher. Le premier des trois exercices est une respiration qu’on fait trois fois (« expiration au plexus solaire ») à la suite duquel tous les participants se prennent par la main pour la chaîne d’activation (chacun prend le poignet de la personne qui se trouve à sa droite). Puis on fait yuki avec un partenaire: on pose les mains sur le dos du partenaire, en se concentrant sur la respiration. Ensuite les deux autres exercices: on fait une rotation de la colonne, à gauche et à droite, sept fois, en se levant sur les genoux; puis on lève les bras avec les pouces à l’intérieur des poings fermés, on expire en contractant et on expire à nouveau en relâchant.
A partir de là, on attend que le mouvement spontané du corps se déclenche,avec les yeux « impérativement » fermés: observer le mouvement des autres pourrait induire à la dispersion et perturber. Mais, bien que les yeux soient fermés, les oreilles restent bien ouvertes: certains bougent rythmiquement, d’autres de façon forcenée, ou soupirent; une fille pleure désespérément; une autre rit de bon coeur. Les inhibitions tombent et certains émettent des sons qui seraient considérés plutôt inconvenants dans des situations « normales ».
En ce qui me concerne, au début il ne se passe rien de rien. Soavi, qui tourne parmi les pratiquants, passe derrière moi et me pose les mains sur le dos, en faisant yuki. J’ai un sursaut et je commence à bouger lentement.

J’ignore si le mouvement régénérateur s’est ou non déclenché en moi, mais désormais, je peux interviewer Régis Soavi en connaissance de cause. »

Le Katsugen Undo ou Mouvement régénérateur

MR: Dans le katsugen undo on parle du système moteur extra-pyramidal. Qu’est-ce que c’est?

RS: Dans l’être humain le système pyramidal et le système extrapyramidal sont séparés. Le système extrapyramidal s’occupe principalement de tout ce qui est involontaire, du battement cardiaque, par exemple. Quand on mange des aliments, l’estomac se met en marche: c’est le système extrapyramidal qui s’en occupe. Le système pyramidal c’est le système volontaire qui nous permet d’aller d’un point à un autre, mais quand on marche il y a toutes sortes de muscles qui participent à maintenir l’équilibre et ça c’est le système extrapyramidal qui s’en occupe, c’est lui qui rétablit l’équilibre de la posture. C’est le système extrapyramidal qui s’occupe d’activer les défenses immunitaires.

– Et comment est-ce que le mouvement qui se déclenche pendant le stage de Katsugen Undo peut-il activer aussi fort le système moteur extrapyramidal et faire que le corps retrouve la santé et réagisse?

– Le mouvement que nous faisons, pendant les stages mais aussi dans la pratique régulière, est un entraînement du système moteur extrapyramidal, une sorte de gymnastique de l’involontaire. C’est comme faire du jogging tous les matins: cet entraînement permet de maintenir en forme notre système involontaire.

– C’est possible alors d’entraîner l’involontaire?

– Là est le paradoxe : les trois exercices mis au point par Maître Noguchi permettent, en quelque sorte, que le système volontaire se mette un peu en retrait, donnant carte blanche à l’involontaire. Il n’y a pas un mouvement spécial à faire: le mouvement ne peut pas s’exécuter. Il se déclenche naturellement, pendant la nuit par exemple: à ce moment-là, notre système volontaire passe au repos et donc c’est le système involontaire qui s’active. On peut dire que les rêves aussi font partie du système involontaire, comme d’ailleurs l’agitation pendant le sommeil.

mouvement régénérateur
Un des trois exercices mis au point par Maître Noguchi. Au centre Itsuo Tsuda. Genève

– Dans ce cas, est-ce que c’est l’inconscient qui rentre en jeu?

– C’est un peu difficile de dire si le conscient et l’inconscient sont la même chose que le volontaire et l’involontaire. On ne peut pas trop simplifier les choses. Effectivement, pour ce qui est du système involontaire, beaucoup de choses se font de manière inconsciente, mais il y a des choses dont on a conscience et qui sont involontaires: si on se gratte la ou ça nous démange, on a conscience de gratter ce point, n’est-ce pas? Cependant c’est un acte involontaire.

La maladie

– Y a-t-il d’autres moyens d’activer le mouvement involontaire, mis à part le katsugen undo?

– A ma connaissance pas vraiment. De mouvement régénérateur en tant qu' »entraînement », je ne connais que le katsugen undo; pourtant on peut dire que le mouvement se déclenche dans un tas de moments autres: quand on est fatigué, on bâille; si on a faim, on bâille aussi. Quand on lutte contre la maladie, on a la fièvre qui monte. Le mouvement se déclenche naturellement. C’est pour ça que c’est embêtant quand on arrête le déclenchement du mouvement, quand on arrête la fièvre, alors qu’elle est un processus naturel qui régule notre organisme, qui combat les microbes; on empêche dans ce cas-là le mouvement naturel de notre corps. Les enfants ont des fièvres très fortes parce qu’ils ont un corps très vigoureux. De même, lorsqu’on tousse, ou que le nez coule, se sont des réactions naturelles de l’organisme qui évacue vers l’extérieur tout ce qui le gêne. Si on mange un yaourt avarié, on vomit. Les bébés font des rejets de lait quand ils en ont trop; dès qu’une petite chose n’est pas bonne pour eux, ils la vomissent ou ils la recrachent. Les adultes, eux ils veulent tout garder à l’intérieur mais du coup ça abîme l’organisme. Il en va de même pour la diarrhée: c’est un nettoyage; le corps a besoin de se vider des mauvais éléments.

Noguchi haruchika seitai katsugen undo

– Mais certains de ces phénomènes poussés à l’excès portent aussi à la mort? Par exemple, une diarrhée qui dure trop longtemps.

– Cela arrive quand l’organisme n’a pas réagi; c’est à dire qu’il s’agit d’un organisme qui est devenu trop faible, trop rigide. C’est pour ça que le principe n’est pas « d’intervenir » par rapport à la maladie, mais de laisser travailler en nous toutes les petites maladies. Si elles travaillent bien en nous, alors il n’y aura pas de gros dégâts.

– Et d’intervenir seulement pour les maladies très graves?

– On n’a pas besoin d’avoir des maladies très graves puisque notre organisme a réagi avant.

– Mais vous n’êtes pas à priori contraires à soigner les maladies?

– Moi, je ne suis contraire à rien. Il existe une quantité incroyable de médecines: médecine allopathique, médecine homéopathique, médecine chinoise, etc. Et dans chaque médecine, il y a des spécialistes des cheveux, des pieds, des mains, des yeux, des oreilles. Je dis simplement que je n’en ai pas besoin, je laisse mon corps travailler. D’ailleurs, il y a un certain nombre de médecins, de kinésithérapeutes, psychiatres, psychanalystes qui viennent à mes stages. Si j’étais contre eux ils ne viendraient pas mais, au contraire, nous nous entendons très bien.

– Et quelles sont leurs réactions?

– En règle générale, ils trouvent ça intéressant; certains mêmes approuvent ma démarche et ont une démarche semblable pour eux-mêmes; mais ils sont dans un système qui veut que les patients demandent une assistance, donc ils ne peuvent pas refuser de la donner. Idéalement, un médecin cohérent qui pratique le mouvement régénérateur changerait de métier. En même temps, je comprend tout-à-fait qu’il ait le besoin, au moins pendant les premières années de sa compréhension en quelque sorte, de secourir des gens et de leur apporter sa connaissance du corps humain.
Mais la médecine d’aujourd’hui a beaucoup changée. Aujourd’hui, dès le moindre petit éternuement, tout de suite on bombarde avec toutes sortes de médicaments et d’interventions de tout genre. Même la mort n’est plus naturelle. Dès qu’on est près de la mort on nous amène à l’hôpital, on est traité… Pour la naissance c’est pareil. Nous vivons dans une société où l’on est médicalisé même avant de naître! Nous le sommes pendant la grossesse et jusqu’à la mort.

– En Italie il y a d’autres lieux où l’on pratique le katsugen undo: écoles de karate et d’aikido; quelle est la connexion entre les arts martiaux et le mouvement régénérateur?

– Je ne pourrai parler en fait que de notre école. Maître Noguchi est mort en 1976, donc les connexions qui ont pu se faire par la suite, je ne les connais pas toutes. L’Institut Seïtai au Japon avait beaucoup de clients en tout genre: aussi bien des hommes politiques que des gens qui pratiquent les arts martiaux, que des ouvriers. Maître Tsuda a pratiqué le Seïtai et le mouvement régénérateur au Japon pendant 25 ans et il pratiquait aussi l’Aikido, avec Maître Morihei Ueshiba. Les premiers Katsugen kai, c’est à dire  » groupes de mouvement régénérateur », c’est Maître Tsuda qui les a mis en place, au Japon, avec l’autorisation de Noguchi.

Le Seitai

– Je voudrais savoir aussi la différence entre Seïtai et Katsugen Undo.

– Le Seïtai est une technique mise au point par Maître Noguchi sur la base de longues années d’expérience, qui découle en quelque sorte de la sensibilité et de yuki mais qui est quand même une technique précise. Il faut environ 20 ans pour former un technicien Seïtai.

– Le Seïtai utilise des points de pression?

– Tout à fait. D’ailleurs, Noguchi a testé quasiment tous les points d’acupuncture sur lui-même, ou avec ses élèves. Donc c’est une technique qui permet le réajustement du corps en stimulant certaines zones. Noguchi disait: « Qu’est-ce qui fait tourner une toupie ? Qu’est-ce qui lui permet de se maintenir sur son axe ? C’est la vitesse de rotation. Si la vitesse diminue, la toupie commence à prendre un axe de rotation différent et, à un moment donné, elle tombe et elle s’arrête ». Pour le corps humain c’est un peu la même chose, il perd beaucoup d’énergie à, sans arrêt, revenir à sa stabilité et à la maintenir.

Noguchi donnait simplement une correction, extrêmement légère, sur le corps humain qui permettait que ça se recentre. Avec une toupie qui tourne, parfois il suffit d’appuyer à peine sur un point pour qu’elle reparte bien centrée. C’est ça le sens de la technique Seïtai: ce qui fait tourner la toupie c’est la vie! On ne peut pas vraiment agir là-dessus, mais on peut corriger le corps humain; pourtant la technique Seïtai ne redresse pas les individus. Par exemple, un individu qui est penché d’un côté parce qu’il s’appuie toujours sur ce même côté, l’idée moderne d’intervention veut qu’on le force à faire toutes sortes d’exercices pour se redresser. Sauf que, comme la personne à tendance a s’appuyer toujours du même côté, elle y revient. La technique de Noguchi, par contre, suscite une réaction instinctive du corps qui permet à l’individu de retrouver tout seul le bon équilibre. C’est comme ça que l’idée du mouvement est née: notre corps a tendance à retrouver une posture normale, et la différence avec le Seïtai c’est qu’on n’a pas besoin d’un technicien qui nous redresse: ça se fait tout seul.
C’est la sensation d’équilibre de notre corps qui nous ramène à une posture correcte, sans qu’on ait besoin d’intervention. C’est l’indépendance, l’autonomie; on n’a pas besoin de s’en remettre à un quelconque individu, aussi puissant soit-il, aussi juste soit sa technique.

– Y a-t-il des liens entre la méthode Seïtai et le Reiki ou d’autres méthodes semblables?

– A ma connaissance la différence est que dans la pratique du mouvement régénérateur il n’y a pas d’idée thérapeutique: on fait confiance à nos capacités naturelles. Si on a le plexus solaire bloqué, avec la pratique du mouvement, le diaphragme va avoir tendance à bouger pour retrouver la souplesse qui lui manque. La souplesse était partie pour des raisons diverses, que ce soit familiale ou de travail ou n’importe quoi… on n’arrive plus à respirer. Si on fait une intervention extérieure, chaque fois vous aurez besoin d’aller voir le « débloqueur » des diaphragmes de X ou Y technique.
Avec la pratique du mouvement le diaphragme se débloque tout seul, parce que c’est son fonctionnement naturel d’être souple. Cela peut prendre du temps mais quand le diaphragme recommence à avoir ses facultés naturelles, ça dure. Alors que sinon on est toujours dans un processus d’intervention. Il n’y a pas de principe thérapeutique dans le mouvement régénérateur.

"Pourquoi Noguchi a-t-il renoncé à la thérapeutique ?"
par Itsuo Tsuda
"Quand il était encore enfant, Noguchi s’était intéressé au magnétisme animal. Il s’amusait à faire des expériences avec ses frères. Il était d’ailleurs tout étonné des résultats. Un jour, il vit la plaie d’un de ses frères changer de couleur à mesure qu’il appliquait son magnétisme. Ce fut une expérience impressionnante. Mais il fallut attendre un évènement de grande importance pour que cet amusement de gosse devint le point de départ de sa vocation. En 1923, un tremblement de terre d’une intensité extraordinaire sévit dans toute la région de Tokyo et de Yokohama, rasant d’un coup toutes les constructions, maisons, bâtiments publics, hôpitaux, etc., à perte de vue. Les gens rôdaient dans cette dévastation, sans abri, sans nourriture. Une dysenterie se propagea très vite dans son voisinage. Un cataclysme de cette importance rayait d’emblée toute possibilité d’y apporter un remède. Il vit une voisine se tordre de douleur. Il apposa sa main sur elle, sans aucune connaissance technique, simplement poussé par un désir spontané de l’aider. La femme se releva, le remercia avec un grand sourire. C’est ce sourire qui le décida dans sa carrière, en dépit des fortes oppositions de ses parents, surtout de son père, qui considérait la pratique comme quelque chose de honteux et indécent. Dès le lendemain, il se vit assailli par une foule de gens qui venaient lui demander des soins. Ainsi, ce garçon de douze ans s’est engagé dans une voie sans en avoir eu l’intention, toujours poussé par le rappel de ce sourire. Au début il croyait avoir un certain pouvoir, une sorte de don qui lui était particulier. Il ne tarda pas à s’apercevoir de son erreur. Tout le monde a la même capacité, seulement on l’ignore. Donc, à cette époque, Noguchi exerçait la thérapeutique, mais, tout en guérissant nombre de malades, il sentait germer en lui un doute.
Pourquoi a-t-on besoin de guérir la maladie ?
Guérir ou ne pas guérir, voila la question, se dit Noguchi. La disparition d’un mal mineur précipite souvent les gens vers un nouveau genre de vie qui risque de les mener à une catastrophe encore plus grave. Un mal à l’estomac, tant qu’il subsiste, empêche le malade de s’adonner à des excès euphoriques. Peut-on desserrer le frein impunément alors que la voiture se trouve sur une pente la menant à un précipice ? Il est même dangereux de guérir uniquement la maladie si les gens ne savent pas quoi faire de leur vie après.
Un corps qui ne tombe jamais malade est un corps paresseux. La maladie est une chose naturelle, c’est un effort de l’organisme qui tente de récupérer l’équilibre perdu. Mais la peur de la maladie est une chose artificielle, c’est une création de l’intelligence humaine, qui est incapable de voir grand. Plus on essaie de guérir la maladie, plus on l’entretient parce que l’impatience empêche l’évolution naturelle du processus de récupération.
Être malade est une chose, mais être prisonnier de la maladie en est une autre. Une fois prisonnier, on ne sort pas facilement de son assujettissement. La maladie est guérie sans que le prisonnier soit libéré. Il s’affaiblit chaque fois qu’il tombe malade. Entre-temps, il apprend à exploiter les prérogatives qui découlent de sa maladie qui consistent à attirer l’attention des autres. Il en parle comme s’il possédait le plus beau diamant du monde. Il est bon que la maladie existe, mais il faut que les hommes se libèrent de son assujettissement, de son esclavage. C’est ainsi que Noguchi est arrivé à concevoir la notion de Seïtai, la normalisation du terrain, si on veut. On ne s’occupe pas des maladies, il est inutile de guérir.
Si on normalise le terrain, les maladies disparaissent d’elles-mêmes. Et de plus, on devient plus vigoureux qu’avant. Adieu la thérapeutique. Finie la lutte contre les maladies."

– Au Japon, la méthode Seïtai est-elle très répandue?

– Oui, on peut le dire.

– Et le Katsugen Undo s’est répandu comme une méthode en soi?

– Ça s’est répandu de façon parallèle; bien souvent, ça s’est passé autour d’un technicien Seïtai, et c’est d’ailleurs ce qu’avait mis en place au départ Maître Tsuda au Japon: des groupes de personnes qui se réunissaient pour pratiquer le Katsugen Undo en présence d’un technicien Seïtai, ou bien d’assistants de mouvement – qui n’étaient donc pas des techniciens – formés par Maître Noguchi: des gens qui avaient une base technique minimale et qui étaient capables de pouvoir conduire une séance de mouvement afin qu’elle se passe bien, d’éviter les débordements, les excès, les incompréhensions… C’est un peu ce que nous faisons, ici, aussi.

seitai
Régis Soavi en conférence, Amsterdam. Explications sur les deuxième points de la tête dans le Seïtai

– Pourquoi le Seïtai n’a-t-il pas eu un gros succès en Europe?

– D’abord, parce que c’est quand même assez récent; Maître Tsuda est arrivé au début des années 70 et alors personne ne connaissait ni le Seïtai, ni le mouvement régénérateur en Europe. On vit dans une société où il faut des résultats rapides! Et justement c’est le principe de la maladie: si on est malade, il faut absolument guérir tout de suite, le nez doit s’arrêter de couler dans les 24 heures. Cela n’a pas de sens. Nous avons besoin de temps. Et le mouvement régénérateur aussi, pour se développer, a besoin de temps. Qui plus est, Maître Tsuda était seul, en Europe. Quand il est décédé, en 1984, il y avait quelques dojo déjà mais il y avait peu de personnes capables de conduire des groupes de mouvement. Qui plus est, beaucoup ont eu envie de rajouter des « ingrédients séducteurs ». C’est comme ça qu’on a retrouvé des gens qui faisaient tai chi et mouvement régénérateur, acupuncture et mouvement régénérateur, et je ne sais pas quoi encore…toutes sortes de techniques qui souvent avaient des visées thérapeutiques. C’est difficile de dire aux gens: « Vous êtes totalement responsables de vous-mêmes ». C’est plus facile d’aller voir quelqu’un qui vous dit: « Je m’occupe de vous, je m’occupe de tout ». Même à l’époque de Noguchi ont eu lieu des déformations de ce genre: des gens qui ont prétendu que c’était Dieu qui envoyait le ki sur la terre… Il y a des gens, en France, qui venaient voir Maître Tsuda avec des « diplômes » de mouvement régénérateur: il n’existe pas de diplôme de mouvement, ça n’a jamais existé! Il y a des gens qui se disent techniciens Seïtai… C’est absolument faux. La dernière fois que j’ai vu un fils de Noguchi, c’était en 1983, et déjà à l’époque il y avait des Occidentaux qui arrivaient en Europe du Japon, qui disaient: « Je suis technicien Seïtai, j’ouvre une école de Seïtai et de mouvement ». Mais le fils Noguchi m’a dit qu’il n’y avait aucun Occidental autorisé. Sa réponse était claire et nette. Donc, si on compte: 1983…1993… avant 2003, pour ce que j’en connais, en toute logique, il n’y a pas de techniciens Seïtai occidentaux, puisqu’il faut 20 ans pour le devenir!

– Il y a des cas de gens fragiles. Est- ce que ça arrive qu’ils aient des réactions excessives pendant les séances de mouvement? Et de quel genre?

– Oui, par exemple les gens qui sont devenus trop rigides. Quand ils sentent yuki, ou quand le mouvement se déclenche, ils peuvent avoir un mouvement excessif, qui peut même les effrayer eux-mêmes. Il y a aussi les gens qui ont une imagination débordante et on en voit souvent dans les stages; des gens qui ont fait un stage de ceci, un stage de cela: ils ont toute la panoplie! Ils viennent ici et ils écoutent vaguement la conférence, ils ont déjà une idée bien définie sur la question et quand ils font les trois exercices, tout de suite il se passe des choses extraordinaires. Il y en a presque qui se mettraient à danser si je n’étais pas là pour les calmer un peu, ou même à hurler. Ça se passe de moins en moins parce que l’ambiance du dojo ne se prête pas à ça. Je me souviens d’une anecdote qui m’a toujours beaucoup fait rire: pendant un stage avec Maître Tsuda, il y avait une femme anglaise: « apparemment », le mouvement s’était déclenché, même si aujourd’hui je dirais qu’il s’agissait beaucoup plus de l’imagination.., en tout cas, elle était là en train de dire: oh! my God, my God, my God, ooh my God et ça montait, ça montait… MY GOD! A un moment donné, nous avions tous les yeux fermés mais j’ai entendu Tsuda dire: « Oui? ». Elle s’est arrêtée tout de suite. C’était la finesse de Tsuda…
Des gens faibles, oui, il y en a; par exemple les gens qui sont nés par césarienne…
Ce n’est évidemment pas de leur faute mais ils n’ont pas eu un accouchement naturel qui crée la pression et l’élan vital de la naissance. Ils ont été sortis endormis, comme un paquet postal. Ces gens-là ont des faiblesses et Maître Noguchi, pendant une période, les refusait dans la technique du Seïtai ou à la pratique du mouvement.

– Est-ce que ça pouvait être dangereux pour eux?

– Non! Mais il considérait que, n’ayant pas l’élan vital, ils n’y arriveraient jamais. C’était une position assez dure, je suis d’accord. Il est un peu revenu là-dessus en leur donnant la possibilité de pratiquer le mouvement parce qu’il a considéré qu’après tout, ça pouvait quand même leur apporter quelque chose. Maître Noguchi considérait que quand un pot est cassé au départ, on peut le réparer autant qu’on veut, il sera toujours fragile, il aura toujours des faiblesses. C’est pour cela que Maître Noguchi et Maître Tsuda accordaient une telle importance à la naissance, à la grossesse et aux petits enfants. Aussi bien psychologiquement que physiquement, la naissance est un moment d’une importance colossale.

– Demandez-vous des renseignements aux gens qui viennent aux stages?

– D’habitude, non. On refuse les gens qui ont des greffes parce qu’ils prennent des médicaments pour empêcher le corps de réagir; dans ce cas-là c’est comme si l’on voulait ouvrir la porte et la fermer en même temps. Quand le mouvement régénérateur se déclenche, il favorise des mouvements de rejet des organes greffés. Nous ne pouvons pas prendre ce genre de risques, ni pour nous, ni pour eux. Des gens qui sont faibles psychologiquement, il y en a. Pour certains ce n’est pas très grave et, petit à petit, ils retrouvent une plus grande stabilité. D’autres viennent pour se faire prendre en charge: comme ils voient qu’on ne les prend pas en charge, ils s’en vont, ils vont quêter ailleurs pour trouver une solution miséricordieuse.

Parti

Article de Monica Rossi publié  dans la revue « Arti d’Oriente » (numéro 4 / mai 2000).