Calligraphies de Printemps est la première monographie consacrée à l’œuvre calligraphique du philosophe-écrivain Itsuo Tsuda qui regroupe cent treize calligraphies et les recherches que nous avons pu mener jusqu’à aujourd’hui.
À l’occasion de sa publication, les 18 et 19 novembre 2017 aura lieu au Dojo Tenshin à Paris une exposition conçue à partir des photos du livre. Un vernissage inaugural se tiendra le 18 novembre à 18h30. Toute personne souhaitant découvrir l’œuvre d’Itsuo Tsuda y est cordialement invitée.
Le dojo est ouvert et l’entrée est libre. Welcome !
En attendant nous avions envie de partager avec vous quelques lignes sur la genèse et les coulisses de cette aventure qui a commencé il y a plus de trente-trois ans.
1983, les prémisses
C’est début 1983 que le projet de réunir les calligraphies d’Itsuo Tsuda a commencé à être esquissé. Avec l’accord de Maître Tsuda, Bruno V. et Alain L. recensent les calligraphies et Régis S. avec Frédéric G. préparent un coffret réunissant les photos de ses œuvres. Seule une maquette, faite à la main, verra le jour.
Le projet n’a pas abouti car Itsuo Tsuda décède début 1984, mais l’idée continue à faire son chemin chez certains élèves. Alain L. poursuit un temps le travail de recensement et de prises de vue des calligraphies, ainsi que des recherches sur le sens et les traductions. Il en identifie une cinquantaine, mais il en manque encore beaucoup et de nombreuses informations font défaut. Plus tard en 2007 Alain B. réunit une cinquantaine de calligraphies dans un cahier distribué en interne. Régis S. organise plusieurs expositions de quelques calligraphies et sensibilise ses élèves aux tracés de son maître.

Mais la majorité des calligraphies restent non identifiées, sans traduction et dispersées en Europe parmi les élèves d’Itsuo Tsuda.
Une question de temps
Finalement, en 2014, lors de l’événement du Centenaire de la naissance d’Itsuo Tsuda au dojo Tenshin, nous avons pu avancer de manière significative. L’événement a réuni beaucoup des anciens élèves d’Itsuo Tsuda et présenté une trentaine de calligraphies originales. Nous avons pu parler directement de ce projet de livre, certains se sont montrés enthousiastes et nous ont apporté un soutien précieux.

S’appuyant sur les listes et cahiers précédemment réalisés, commença alors l’enquête pour retrouver et obtenir l’accord des propriétaires afin d’avoir des photos de grande qualité. C’était parfois assez étrange de téléphoner à des personnes inconnues et de percevoir leur surprise de s’entendre parler d’un sujet les renvoyant plus de trente ans en arrière. Les conversations avaient alors un coté presque irréel ! Parfois cela fut un point délicat. Finalement chacun des propriétaires sollicités, presque sans exception, accepta de participer à l’aventure du livre.

Malheureusement pour certaines calligraphies nous sommes arrivés trop tard ! Perdues ou détruites au fil du temps. Pour certaines cela a été de justesse ! Par exemple c’est avec beaucoup de difficulté que nous avons retrouvé celles de Madame C. N. de Rome. Comme personne ne répondait à nos appels téléphoniques, quelqu’un est passé à l’adresse que nous avions. Une fois là, elle s’aperçoit que l’appartement est en pleine rénovation… L’ouvrier qui y travaille l’informe que Madame N. est décédée quelques mois auparavant. La famille a vidé entièrement l’appartement. En désespoir de cause, nous avons laissé un message écrit pour la famille. Le soir même nous avons été contactés par le neveu, qui explique que tout a été donné ou jeté et que ces calligraphies n’existent plus. Nous avons insisté, disant que c’était vraiment important. Mais il y avait peu d’espoir. Finalement c’est son épouse qui nous a recontactés, elle avait retrouvé à qui avaient été données ces calligraphies et nous avons pu faire les photos ! Mais que de complications pour retrouver les fils.
D’autres fois nous avons eu un seul créneau possible, comme quand Monsieur O., Japonais vivant en Suisse italienne nous a finalement dit : « Je viens à Paris, j’amène la calligraphie et je serai à tel endroit le soir de tel jour ». Il a fallu alors se rendre disponible et réagir vite. Régis S., Sara R. et Costanza C. ont pris une voiture, récupéré la calligraphie, foncé à travers Paris pour aller à un laboratoire professionnel avec qui ils avaient pris rendez-vous. Fait faire la numérisation, en espérant que le fichier soit bon car il n’y aurait aucune possibilité de recommencer. Puis rendre la calligraphie à son propriétaire. En deux heures… Au cours de la petite discussion en italien qui suivit la restitution, Monsieur O. parle d’une technique japonaise appelée rōketsuzome, mot qu’il écrit sur un petit bout de papier. Cela nous lancera sur une piste qui après de multiples recherches s’avéra extrêmement importante.
Jérémie L., le photographe, est parti à Genève et a passé quarante-huit heures avec Sven K., Christoph N. et Kim N. en compagnie des calligraphies, des albums de photos, et des évocations au sujet d’Itsuo Tsuda. Au cours de ce voyage il a pu photographier plusieurs calligraphies réunies pour l’occasion par Sven K. et Christoph N. Le travail sur les photos a aussi été considérable. Nous souhaitions avoir d’excellentes reproductions, qui soient autant que possible fidèles aux œuvres originales et réussir à avoir des images de qualité homogène. Malheureusement cela n’a pas pu être toujours le cas à cause des circonstances.

Nous avons aujourd’hui réussi à regrouper cent treize photos de calligraphies, les deux derrières nous étant parvenues une semaine avant le départ pour l’impression, car retrouvées au dernier moment !
Tenir bon
Ce qui nous a donné beaucoup de mal, c’est de retrouver le sens des calligraphies qui souvent a été perdu ou oublié… C’était comme une sorte de puzzle ! Parfois on a des phrases dites par Itsuo Tsuda, des indications, transmises plus ou moins précisément par les propriétaires. Certaines fois on n’a aucune indication. Juste une calligraphie, que même les Japonais n’arrivent pas à lire parfois !
C’est au cours d’une rencontre chez Claudine Brelet, ethnologue et femme de lettres, ancienne élève d’Itsuo Tsuda, que nous avons fait la connaissance de Mme Élisabeth Rochat de la Vallée. Une éminente sinologue qui nous a aiguillés vers la culture chinoise. Nous lui avons soumis toutes les calligraphies recueillies à ce moment-là et elle nous a ouvert quelques pistes. Cela a eu un effet « boule de neige ». Nous avons donc plus orienté nos recherches vers l’écriture chinoise, et à partir de ce moment certaines énigmes se sont dénouées. Il restait bien sûr énormément de travail, mais cela nous a donné la direction dans laquelle chercher, car la plupart des calligraphies d’Itsuo Tsuda font référence à la culture classique chinoise. Chaque personne que nous avons croisée et qui nous a fourni une réponse, un indice, une remarque, nous a permis d’avancer dans nos recherches et en ce sens c’était comme une enquête.
Nous avons été obligés d’approfondir nos recherches beaucoup plus loin que ce que nous avions imaginé au départ. Ce qui nous a amenés pendant des mois et des mois à consulter des œuvres réservées aux experts en la matière comme par exemple celles qui sont conservées à la BULAC (Bibliothèque Universitaire des Langues et Civilisations) ou à l’EFEO (École Française d’Extrême-Orient).

Nous avons essayé dans la mesure de nos moyens d’identifier les sources des œuvres. À force de chercher dans divers ouvrages et sites internet, Sara R. a trouvé à la Bibliothèque Nationale de France la version numérisée d’un livre d’un père jésuite, missionnaire en Chine : Caractères chinois de L. Wieger, s.j., œuvre de 1916 qui se révéla être une référence encore aujourd’hui.
Elle s’est alors plongée dans ce livre de mille deux cents pages pour chercher les idéogrammes utilisés par Itsuo Tsuda, car ils sont très anciens et vraiment difficiles à retrouver. À partir de ce moment est née l’idée de développer l’étymologie des caractères chinois et japonais, qui au premier abord peut paraître rébarbative, mais nous plonge en fait dans un monde de pensée particulier. C’est une construction sur des millénaires, d’une société, d’une façon d’aborder la vie, qui est a priori très éloignée de la conception occidentale.
Ces recherches qui nous ont permis d’identifier les idéogrammes, parfois très anciens, nous ont finalement ramenés aux écrits d’Itsuo Tsuda lui-même ! En fait Itsuo Tsuda parle dans ses livres des sujets qu’il a calligraphiés, certaines fois on trouve même le texte exact des calligraphies, une fois les sources identifiées. Nous avons donc pu insérer, pour presque toutes les calligraphies, ce qu’ il en disait lui-même.
L’utilisation d’idéogrammes antiques par Itsuo Tsuda a aussi présenté des difficultés pour la mise en page. Déjà un travail d’une telle ampleur, de près de quatre cents soixante-dix pages, ce n’est pas rien. La maquettiste, Costanza C., a dû faire preuve de créativité, surtout quand le texte rallonge au fur et à mesure que le livre se crée et par le fait que c’est un texte qui marie français, chinois et japonais ! Mais de plus les idéogrammes antiques n’existent pas dans tous les logiciels modernes disponibles. Il a donc fallu scanner et recréer certains anciens idéogrammes pour les insérer dans le texte. Tout cela lui a demandé une patience infinie !
Une question d’époque
Ce livre nous a demandé un énorme travail humain, certes, mais il aurait été impossible à réaliser sans les progrès de l’informatique et de la circulation des informations : les possibilités offertes par la photo numérique et le fait de pouvoir scanner les calligraphies, la numérisation permettant d’avoir des images de qualité, la possibilité d’envoyer des fichiers de très bonne définition depuis l’autre bout du monde, tout cela facilite les échanges !
Les avancées de la technologie numérique ont une énorme importance dans la possibilité pour des amateurs comme nous de réaliser un ouvrage d’une telle ampleur.
Pour les recherches en elles-mêmes, internet est un outil inestimable. Tout le travail en amont, allant de la sélection des ouvrages de recherche, jusqu’au fait d’avoir les bonnes questions à poser aux experts, était indispensable et irréalisable sans cet outil en si peu de temps (environ trois ans). Les recherches indexées dans les ouvrages classiques numérisés sont là aussi très importantes.
Notamment pour la partie biographie, outre le travail d’organiser les informations disponibles, les souvenirs des uns et des autres, il fallait expliquer et illustrer les situations historiques qu’avait traversées Itsuo Tsuda. Le fait de pouvoir interroger par email un spécialiste japonais des kamon (écusson) ou un professeur de Tokyo, permet de vérifier les données. La possibilité de consulter les archives des musées de New York ou d’ailleurs pour trouver des images de Busan au début du siècle, ou encore de consulter les bibliothèques japonaises ayant encore les traces du travail de traducteur effectué par Itsuo Tsuda au Japon. Sans parler de l’INA (Institut National d’Audiovisuel) dont la consultation en ligne nous a également été très utile…
Aujourd’hui la plupart des musées et des instituions du monde mettent des ressources consultables en ligne. Combien de temps nous aurait-il fallu et quel budget pour pouvoir aller de par le monde consulter ces archives et ces livres, interroger ces experts ? Cela n’aurait simplement pas vu le jour.


L’impression en digital nous laisse aussi la possibilité aujourd’hui d’imprimer en petite quantité, ce qui avant n’était pas possible. La possibilité d’imprimer à compte d’auteur, alors qu’il nous aurait fallu convaincre une maison d’édition !
Il y a un travail humain énorme mais il y a aujourd’hui des ressources technologiques qui ont permis de donner cette ampleur à ce livre créé par des passionnés bénévoles. Cela a permis qu’un rêve, inaccessible il y a trente ans, devienne réalité.

Nous avons apporté beaucoup de soin pour que ce livre soit de qualité, nous voulions qu’il soit « à la hauteur » pour présenter l’œuvre d’Itsuo Tsuda !
Nous espérons que vous aurez autant de plaisir à le découvrir que nous avons eu de passion et d’exigence à le réaliser, alors rendez-vous le 18 novembre 2017 au Dojo Tenshin, au 120 rue des Grands-Champs, 75020 Paris à partir de 18h30 ou le 19 novembre à partir de 12h30.
Manon Soavi

La vente en ligne sera disponible à partir du 20 novembre sur le site http://yumeshop.fonds-itsuo-tsuda.org/fr
Informations sur le livre :
Monographie consacrée à l´œuvre calligraphique du philosophe-écrivain Itsuo Tsuda (1914-1984). Volume relié au fil, couverture cartonnée. Format 30x24cm. 468 pages dont 97 reproductions pleine page. Prix de vente : 75 € (frais de port 13,90 € pour la France)